dimanche 27 janvier 2013

Je vais te mettre dans ma cave

Monsieur H... habitait le quartier. Ce voisin me faisait très peur car d'une part il avait d'énormes sourcils noirs et d'autre part, à chaque fois que je le rencontrais, il me disait toujours "si je t'attrape je vais te mettre dans ma cave".
Je devais avoir cinq ou six ans et quand je le croisais, de près, de loin (mais surtout de loin), je prenais mes jambes à mon cou. J'en faisais même d'horribles cauchemars ce qui représentait pour moi quelque chose d'assez terrible. A cause de sa particularité physique qui me troublait beaucoup, de sa grosse voix, j'avais rangé Monsieur H. dans la catégorie des méchants, des voleurs et  dévoreurs d'enfants... Pour moi, c'était affreux, un véritable problème, et je redoutais toujours beaucoup de le voir. Malheureusement, comme sa maison jouxtait celle de mes parents, je ne pouvais pas faire autrement !  Alors, à chaque fois, c'était toujours pareil : mon coeur battait à toute allure et j'étais vraiment terrorisée.

A cette période, mon père avait une petite remorque qu'il accrochait à sa mobylette pour transporter la bouteille de gaz, un peu de bois, quelques courses ou du petit matériel. Cette remorque a beaucoup compté dans mon enfance : une fois qu'elle était retournée, elle me servait de cabane. Avec ma cousine nous y passions des heures et des heures, nous partagions nos petites histoires, nos secrets,  faisions notre dinette et passions dans notre petite cachette des moments très agréables. C'était une cabane très originale, "une vraie rien que pour les filles".

Un jour, mon grand frère, qui avait un tempérament assez farceur, me proposa une promenade dans la remorque. Il ajouta sa condition "c'est une promenade surprise, tu vas monter dans la remorque, je vais te mettre un carton sur la tête pour que tu ne voies pas où je t'emmène". Et bien sûr, comme j'étais toujours partante pour les petites aventures, c'est avec joie que j'acceptais cette proposition.

Et nous voilà partis, mon frère poussant la remorque, moi dedans avec mon carton sur la tête. Je me souviens bien du plaisir que j'avais ce jour-là à me faire trimballer dans la remorque, j'avais l'impression d'être choyée comme une petite reine et que mon frère prenait vraiment bien soin de moi, c'était très agréable. Malgré tout, il me semblait que le voyage n'avait pas été non plus d'une très longue durée...

Mais ce qui m'a surtout frappée dans ce voyage c'est son arrivée, que je peux qualifier aujourd'hui d'une entrée très remarquée, "en fanfare"... Quel grand choc ! Au moment même où mon frère posa la remorque et me dit "voilà, nous sommes arrivés",  je réalisais combien il avait bien monté son coup et combien je venais de me faire avoir !  La "dégringolade désillusionnelle" fut terrible ... Oui, juste avant de partir, de me lâcher comme une vieille chaussette et de m'abandonner à mon "triste sort", mon frère avait pris soin d'arrêter la remorque à la destination qu'il avait choisie, préméditée depuis longtemps. Il avait stoppé net la petite embarcation  juste devant  la porte de Monsieur H.
Au moment où j'entendis mon frère me dire que l'on était bien arrivés, j'enlevais donc en toute confiance le carton au-dessus de ma tête. Là,  je découvris, la mine certainement de travers et tout le reste complètement affolé, que j'étais parquée, complètement impuissante, juste devant la maison de Monsieur H. Je revois encore et comme si c'était hier,  le voisin planté devant sa porte, touujours aussi droit, avec ses énormes sourcils ! Cette destination choisie à mon insu m'a clouée sur place un moment, mais tout de suite après un sursaut m'a poussée hors de la remorque, car mon sang n'a fait qu'un tour. Alors tout a été très très vite et j'ai tout planté là, la remorque, le carton, le voisin, ses  sourcils ... Inutile de préciser que je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie !!!

Moralité : il faut toujours faire attention où l'on met les pieds, surtout en voyage organisé !

3 commentaires:

  1. Ton souvenir m'en rappelle un tout aussi terrifiant. Le bonhomme lui, il me disait toujours: "viens dedans, je vais te montrer les petits chatons que ma chatte a fait!" Inutile de dire que je ne suis jamais rentrée, mais j'avais aussi la trouille de devoir passer devant chez lui. Et pourtant j'y étais obligé, il habitait juste à coté de l'épicerie où ma mère m'envoyait faire des courses!!! Je me suis vue, faire le contour du paté de maison pour arriver par l'autr coté et ne plus passer devant chez lui!!! J'avais quoi?? 6 ans?Et je m'en souviens encore!
    Bisous

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  2. J'adore la chute de ton récit, Dan! Contrairement à toi et à Joelle je n'ai pas eu de voisin terrifiant. Moi, c'est d'un chien dont j'avais peur. En face de notre cité Michelin il y avait une petite butte où j'aimais bien m'asseoir. Un jour j'ai vu arriver ce chien. Paniquée à l'idée qu'il pourrait me mordre je me suis jetée dans les ronces et les orties qui se trouvaient derrière la butte. J'en suis ressortie couverte d'égratignures et de piqûres d'ortie. Lorsque ma mère, absente de la maison, est arrivée elle m'a découverte en larmes. Je ne me souviens pas par contre de ce qu'elle a fait pour calmer les démangeaisons et soigner les nombreuses égratignures que j'avais. Et le chien, me direz-vous? Peut-être en entendant mes cris avait-il eu plus peur que moi encore !!! Il avait disparu.

    Bisous

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  3. Tiens, çà me rappelle aussi une même frayeur que toi Michèle, mais moi, j'ai été mordue par un chien, je le croyais inoffensif, j'avais à peut-près 5 ans, je voulais le caresser, et aïlle aïlle, il m'attrape la main, çà m'apprendra à croire à tous les regards charmants, je commençais bien, est-ce que j'ai compris la leçon, oui pour les chiens, mais pas pour les Hommes !!!! Mais bon, c'est une autre histoire. En attendant, que je trouve palpitant, et intéressant, bien dit, bien écrit tes textes où tu partages Dan, ces tranches de ta vie.... Je reviendrais !

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